Petit résumé des épisodes précédents :
L'Aäton Pénélope est une caméra légère et silencieuse (qui a commencé à faire ses premiers tournages en 35mm -2 perfs principalement- un peu partout dans le monde depuis fin 2008) dont l'un des grands principes est d'avoir été conçue pour être hybride. C'est-à-dire de pouvoir tantôt tourner en film 35mm grâce à un magasin film, tantôt en Digital Cinema grâce à un magasin numérique.
Le corps de la caméra est "universel" et ne change pas.
Tout cela est possible dans la mesure où le magasin film de la Pénélope prend entièrement en charge le cheminement de la pellicule (la boucle, la pression de la pellicule sur le plan film, etc.). Le contact entre le corps de caméra et le magasin se fait donc uniquement au niveau du plan film (entre la fenêtre d'impression du corps caméra et le presseur dorsal du magasin).
Dès lors, un magasin numérique avec un capteur électronique (de la taille d'une image 35 mm) peut très facilement se mettre en face de la fenêtre d'impression rendue ainsi très accessible : à la place de la pellicule, sur ce même plan film.
L'Aäton Pénélope doit ainsi permettre en plein tournage de passer d'un magasin film à un magasin numérique et vice-versa.
Voici un entretien vidéo de Jean-Pierre Beauviala partageant les derniers développements de ce fameux magasin digital à venir.
(Vous apprécierez, je pense, un son particulièrement bio car naturellement capturé par le micro interne de la caméra, de façon à savourer pleinement l'environnement sonore de ce 10ème Micro-Salon.

Et voici la transcription écrite de l'entretien vidéo :
Jean-Pierre Beauviala : Ce qu'on fait, à l'heure actuelle, c'est travailler à remplacer le magasin film par un magasin avec un capteur digital Dalsa.
Thomas Chatelet : Qui sera en quelle résolution ?
JPB : Très haute résolution, 5K et des poussières [NDLR : pour éviter toute confusion : le capteur dépassera les 5K mais le flux vidéo généré et enregistré sera en 4K non compressé], qui a une grande dynamique, avec une belle matière disons, par rapport à ce qu'on voit dans les images vidéos.
TC : Et en latitude de pose, tu prévois combien ?
JPB : Plus de 12 diaphs. (…) Je pense que 12, c'est pas mal. Alors, il y a des astuces qui, à la post-production, permettront d'aller jusqu'à 14, mais 12 de base, c'est bien. Le film étant à 15, il faut le savoir.
TC : Et en terme de solution d'enregistrement ? Parce que c'est du 4K non compressé, c'est ça ?
JPB : C'est non compressé, oui. Il y a une sortie HD, bien sûr, pour le contrôle (…) et dans le magasin, il y a l'enregistreur. Qui opère sur des disques SSD.
TC : Qui sont en RAID 5, c'est ça ?
JPB : Non, en RAID 0. On a un tel flux à enregistrer que c'est très difficile. Aujourd'hui, c'est à la limite mais dans un an, quand la caméra sortira, ce sera bon.
[NDLR : un petit exemple pour illustrer ce point crucial : du 4K 10bit 4:4:4 non compressé à 24 im/s, c'est plus de 750 Mo/s de flux… Or les disques durs SSD actuels culminent autour de 300 Mo/s en écriture. Il faut donc en combiner plusieurs pour supporter un débit vidéo 4K.]
TC : Et tu vas pouvoir proposer des cadences d'images supérieures à 24 im/s ?
JPB : Oui, on a prévu d'aller jusqu'à 40, 50 im/s, on ne sait pas encore. Si on arrive jusqu'à 50, on sera content.
TC : OK. Et donc, ce sera un disque encastrable derrière le magasin.
JPB : Oui, ça rentre par l'arrière, presque à chaud je dirais.
Un truc qui est fabuleux dans ce qu'on fait, c'est que, un, c'est très ergonomique, deux, ça consomme très peu, c'est-à-dire qu'avec deux batteries, on devrait tourner 6 ou 7 heures ! C'est quand même considérable par rapport à tout ce que font les autres.
Et d'autre part, comme on a notre propre OS, le magasin démarre instantanément. C'est pas comme avec la Silicon ou la RED ou… La Alexa démarre instantanément ?
TC : Je sais pas, il faudrait faire un test.
JPB : Il faudrait regarder. En tout cas, nous, on met le courant, et pouf, une seconde après, c'est prêt. C'est comme un caméra film, quoi.
TC : Ça, c'est excellent. Pourquoi tu t'embarques dans le 4K ?
JPB : Ben parce que, de toute façon, il faut sur-échantillonner même si à la projection on a moins.
Comme ce qu'on fait avec les films à l'heure actuelle, on shoot [l'internégatif] en 2K. Or, par rapport à un shoot 4K, comme on l'a fait pour [l'internégatif de] Depardon [NDLR : pour La Vie Moderne], la différence n'est pas phénoménale mais elle est de l'ordre du sentiment, de l'ordre de l'impression profonde. Un film [négatif], c'est du 6K ou 7K. Bon. Si on le passe par une moulinette 2K ou HD, tu perds le sentiment, tu perds la chair.
TC : L'argument de certains, c'est de dire que le marché n'est pas prêt pour le 4K. Qu'il y aurait des goulets d'étranglement dans tous les sens.
JPB : Ben, les goulets d'étranglement sont simples.
Un, il n'y a pas de projecteur digital [4K dans les salles], donc pour les gens qui veulent faire du digital projeté… (…)
Deux, pour les mémoires actuelles, quand tu fais du 4K (même si on a une astuce pour que, sans compresser… enfin bon, on va pas rentrer dans le détail), c'est quand même des flux gigantesques ! Alors, c'est difficile de les enregistrer dans la caméra. C'est déjà plus facile de les copier sur des disques normaux [de stations de post-production]. Mais après, tu te retrouves avec des TeraBytes !...
Mais, ça vient ! L'année prochaine. Nous, si on fait une caméra, c'est pas pour dans 6 mois mais pour dans un ou deux ans. Et dans deux ans, ce problème ne se posera plus. C'est pour ça qu'on a pas choisi la méthode compressée.
Ça n'empêche pas d'avoir sur le tournage, on fera ça après, une petite boîte qui prend tes disques et, pouf, en fait de l'Avid, de la HD ou je ne sais quoi pour le montage, pour éviter d'avoir des stockages gigantesques, et ne revenir qu'à la fin [du montage] aux originaux qui t'intéressent.
TC : Et le type de fichier enregistré ?
JPB : Pour l'instant, c'est du DPX, pur et dur, basique. On avait pensé au DNG… En attendant qu'un format se fasse connaître. Peut-être qu'on contribuera à un format meilleur que le DPX mais pour l'instant c'est encore ce qu'il y a de mieux.
TC : C'est le standard le plus ouvert que…
JPB : Oui, il suffit de mettre les bons chunks [NDLR : sections d'extension pour les métadonnées].
C'est ce qu'on a déjà fait pour le son.
Mine de rien, personne ne le sait mais ce qui est maintenant devenu le Broadcast Wave Format, c'est-à-dire tout le son digital [professionnel] enregistré dans le monde, c'est Aäton qui en a été à l'origine.
TC : Vous en êtes pas à votre premier standard, c'est clair.
JPB : Ben disons qu'on ne s'en est jamais trop vanté parce que nous n'étions pas dans le son à l'époque (on travaillait sur l'Indaw) mais on a préparé la venu du Cantar en faisant un format universel. A l'époque, c'était ProTools, c'était ceci, chacun avait son format. Nous, on s'est emparé du Wave, pur et simple, dans lequel on a mis des chunks qui allaient bien pour pouvoir faire du son professionnel. C'est venu aux oreilles de l'EBU qui en a fait le format BWF. Mais personne ne sait qu'à l'origine, c'est nous !
Là, bon, peut-être quand même qu'on ne reproduira pas la même chose, mais le DPX, c'est un bon format. Le tout, c'est de s'entendre entre fabricant de caméra et gens de post-production pour y mettre les chunks dont on a besoin et faire du bon travail. Ça casse pas quatre pattes et un canard, comme on dit.
TC : Et le premier proto, on le verra quand ?
JPB : Si tout se passe bien, on devrait voir une image au NAB, le 15 avril [prochain]. Là, on commence à avoir des images vachement belles. Pour le magasin lui-même, probablement qu'on montrera le proto ergonomique aussi au NAB. On verra.
TC : Avec la solution d'enregistrement intégrée ?
JPB : Oui, bien sûr, ça marche ! On a tous les éléments à l'heure actuelle, il suffit de raffiner maintenant. Mais le raffinement, on sait très bien que ça prend quatre fois le temps. On a mis quatre mois à mettre tout ça en place.
TC : Et la sortie ?
JPB : Ben, si on a de la chance, que tout se passe bien, exactement l'année prochaine, à la même date.